Je suis rentrée de mon travail vers 23h30. J’ai glissé un dvd de Bruce Lee dans mon lecteur après avoir posé ma doudoune noire. J’étais encore un peu en sueur. J’ai commencé à sentir une odeur bizarre, j’ai ouvert ma fenêtre, j’ai vu de la fumée, et puis ça sentait encore plus fort. Y avait eu un incendie une fois pas loin, alors j’ai joué la carte de la prévention. Je suis sortie, mais personne n’était dans le couloir, et je n’entendais encore aucun bruit. Je suis allée frapper à la porte d’Amalie, ma voisine. Elle dormait, elle a mis du temps à ouvrir. Elle avait les cheveux courts, le nez plus large, elle avait grandi. Je lui ai dit de faire quelques affaires parce qu’il y avait quelque chose de louche. En repassant le pas de sa porte j’ai aperçu de longues flammes à travers la porte-vitre au bout du couloir.
Alors avec Amalie on a frappé à toutes les portes de l’étage. Les Chinois nous ouvraient complètement hébétés d’apercevoir une Danoise venir soudainement les déranger, on les a prévenus, y a un incendie faut que tout le monde descende. On a entendu des sirènes se rapprocher. On a continué à réveiller les autres, Flemming, Tim… Rose ne répondait pas. Dimitri est sorti, il avait dû entendre le bruit des portes, un flic a ouvert la porte de l’étage, suivi d’une autre flic, ils nous ont dit de tous descendre le plus vite possible. Dimitri a demandé s’il y avait vraiment besoin de sortir, parce que le feu ne touchait pas l’immeuble, il m’a montré du doigt l’autre bout du couloir, et par la fenêtre j’ai aperçu d’autres flammes, moins libres, beaucoup plus de fumées oranges dans la nuit noire. Je lui ai dit qu’il y avait un autre feu de l’autre côté, qu’il fallait sortir ; j’avais pas vu le second feu, j’ai eu un peu peur, je n’ai pas compris ce qui se passait. Dimitri a demandé au premier flic si les feux étaient criminels ou accidentels, le flic a répondu que c’était criminel. Dimitri a tambouriné à la porte d’Hervé, qui répondait pas, puis au bout d’une minute il est sorti, les yeux fatigués, il devait être en train de dormir. On est tous descendu, en laissant les Chinois qui s’étaient rassemblés à une extrémité du couloir pour prendre en photo le local poubelle qui brûlait.
En bas deux équipes de pompiers arrosaient les feux respectifs, et deux bagnoles de flics étaient garées à côté des camions. Deux fenêtres du rez-de-chaussée avaient été cassées, probablement par de grosses pierres ou n’importe quoi d’autre. J’ai vu deux silhouettes rentrer dans une des voitures. Deux arrestations. Des papas d’origine turque avaient des sandales aux pieds et regardaient les brasiers, comme ils auraient regardé un jeune en scooter percuté par une voiture a un carrefour, ne saisissant de la gravité que l’aspect spectaculaire et inhabituel. Tout était étrangement silencieux. Un peu irréel, on avait l'air d'une assemblée de fantômes ressuscités trop tôt. En bas de l’immeuble, certains étaient quasiment en pyjama, certains avaient eu le temps de boucler un sac avec des affaires dedans. Au bout d’une vingtaine de minutes les feux étaient maîtrisés, la situation apparemment contrôlée. Les flics nous ont dit qu’on pouvait remonter nous coucher. J’ai parlé un peu avec les gens de mon étage avant de rentrer dans ma chambre. J’ai pas pu dormir tout de suite, j’étais au courant des émeutes depuis une semaine dans Copenhague, mais voilà on croit toujours que ça arrive aux voisins.
Le lendemain en partant au taf deux équipes de journalistes attendaient au bas de l’immeuble, ils m’ont interviewée, m’ont demandé si j’avais eu peur, si je savais qui étaient les coupables, j’ai répondu non à beaucoup de questions, je voulais juste savoir le nom du journal. Ils m’ont pris en photo alors que de si bon matin j’étais vraiment pas belle. J’ai pas vraiment d’idées sur cette histoire des caricatures, j’aime pas trop les étrangers en tout cas, je suis pas raciste, juste je les préfère chez eux, ici on est bien sans eux, je veux pas que ça change. Mais voilà, maintenant j’ai peur de prendre le train et le bus, je me souviens de Londres et de Madrid, même si je sais pas si la situation est la même. Et ce soir, j’attendrai minuit pour savoir si les casseurs ont décidé de remettre le couvert. Je vous tiendrai au courant.
4 commentaires:
Te fais pas planter garçon quand même. Tu nous manquerais un peu.
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Tain vous me manquez aussi beaucoup, bande de cons.
Good post.
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